17 Juin Les vins de Bertrand Fauvette : un incroyable héritage !
Par Sylvain Poncet, Chargé de dossiers.
C’est dans son appartement, en plein cœur de Lyon, que Bertrand Fauvette nous reçoit pour le lancement de sa marque de vins « Bertrand Fauvette Héritage ».
A 53 ans, après une riche carrière où il a été successivement pilote de l’armée de l’air, en ayant fait le plus grand nombre de ponts aériens à Sarajevo pendant la guerre, pilote de Jacques Chirac, diplômé d’HEC, Directeur Général de GL Events Toulouse, Responsable des Opérations France chez Easy Jet et de nouveau pilote de ligne, Bertrand Fauvette est passé du ciel au vin…
Il nous a fait le plaisir de nous raconter son extraordinaire aventure pour la sortie de sa première cuvée, le rosé Bertrand Fauvette Héritage.
BF : J’ai longtemps eu la passion du vin et j’ai toujours rêvé de faire mon vin. J’ai fait deux tentatives d’acquisition de vignobles. Ce fut très compliqué car il y a beaucoup de parties prenantes : la SAFER, les chambres de commerce, les chambres d’agriculture, la gendarmerie, les douanes… On ne peut pas acheter un vignoble comme ça. Il faut une autorisation d’exploitation. La SAFER voyait assez positivement les néo-vignerons comme moi. Notre stratégie était « Nous ne sommes pas des sachants, nous sommes des gens qui veulent ». Nous investissons et prenons un jeune vigneron qu’on installe pour la gestion de la viti, vini, vin et ainsi de suite. Notre projet était très apprécié par la SAFER car pour la moitié des domaines viticoles, les exploitants ont plus de 70 ans et les jeunes vignerons n’ont pas les moyens de s’acheter les exploitations.
Au bout d’un an de tractation, nous allions signer l’acte d’achat chez le notaire et la SAFER nous dit « Au fait vous n’achetez pas des vignes mais une forêt et on régularisera plus tard ». Je ne comprenais pas car on avait visité et bien vu les vignes. La SAFER nous précise que « c’était initialement des bois que l’exploitant n’aurait pas dû transformer en vignes. Cependant nous souhaitons que l’activité continue, on ne s’oppose pas à la vente et on va régulariser tout ça ». Sous conseils de mon avocat, nous avons annulé cette transaction afin d’éviter d’être redevables d’arriérés fiscaux et/ou sociaux…
Deux ans plus tard, nous avons fait une deuxième tentative d’achat d’un vignoble. Et là, c’est la gendarmerie qui nous a appelés pour dire que la transaction était gelée car ils avaient retrouvé les 10 tracteurs viticoles volés dans la région, lors des 10 dernières années, chez l’exploitant du vignoble !
Suite à ces deux déconvenues, j’ai laissé tomber mon projet jusqu’à la rencontre des frères Saint-Olive. Ils travaillent depuis 25 ans dans le domaine viticole et ont notamment un chai (lieu où on fait la vinification) urbain à Lyon. Ils se sont inspirés d’une philosophie américaine où la notion de terroir n’est pas forcément réelle, le raisin est un produit agricole et si vous avez un bon produit, vous pouvez en faire un bon vin. Les vins sont faits en petites quantités, dans de petits espaces et sont donc qualifiés de « vins de garage ». Ce modèle a été importé en France par Jean-Luc Thunevin au début des années 90 qui a fait des vins excellents, vendus à plus de 100 euros la bouteille.
J’avais peur en me lançant dans ce procédé car je n’avais ni nom, ni domaine, pas de château et il faut donc que le vin soit bon… Et pour que le vin soit bon, j’ai besoin d’un bon œnologue, de bons fûts, un bon maître de chai mais surtout du bon raisin, le meilleur. Si j’ai du raisin lambda, ça ne marchera pas. Les frères Saint-Olive me demandent si j’ai des noms en tête, ce à quoi je leur réponds les grands noms de la vallée du Rhône : Gaillard, Cuilleron… Ils me répondent : pas de problème on va les rencontrer !
Rencontre avec Yves Cuilleron et Jeanne Gaillard qui proposent de me réserver une parcelle pour mon vin, en m’assurant qu’ils s’occuperont de la première partie de la vinification (faire le moût) selon ce que je souhaite. Les moûts sont rapatriés ensuite à Lyon dans les camions frigorifiques puis élevés dans des fûts à Lyon. J’ai une cuvée de Syrah, de Merlot et de Chardonnay.
Je souhaitais que ce soit les meilleurs vins possibles, en étant des vins qui me correspondent. La vallée du Rhône est plus sur le fruit alors que je suis plus sur un vin d’élevage, autant sur le bois que le fruit, j’ai une approche un peu plus bordelaise. Je me suis fait accompagner par mon œnologue Vincent Hudon qui travaille notamment pour Château Miraval. On a également fait fabriquer les fûts sur-mesure en fonction du vin que je souhaitais.
J’avais les deux couleurs mais il me fallait quand même un rosé. Et là-dessus je n’avais pas le choix, il me fallait un Côtes de Provence. Si je m’accorde à ne pas avoir d’AOP pour le blanc et le rouge, le seul rosé qui est reconnu en haut de gamme, c’est le Côtes de Provence. Je réussis cela grâce à Sacha Lichine, qui a développé le rosé haut de gamme, notamment en contrôlant la température pendant la fermentation dans les fûts, ce qui permet de préserver les arômes et la fraîcheur du fruit. C’est cette vinification particulière qui fait que ce rosé est beaucoup plus pâle que les autres. Sacha Lichine a été le premier à sortir des vins rosés à plus de cent euros et tout le monde l’a copié. Le Côtes de Provence, c’est le rosé que le monde entier veut acheter – on n’arrive même plus à fournir tellement il est prisé !
SP : Si la vinification a fait que le Côtes de Provence est devenu un vin exceptionnel, qu’est ce qui empêcherait, par exemple un Anjou de devenir aussi bon qu’un Côtes de Provence ?
BF : La différence est sans doute le terroir. Le Côtes de Provence reste sec et tendu bien qu’il soit riche alors qu’un Anjou sera plus riche en fruit et donc plus un vin de table. Néanmoins, je pense que dans 4-5 ans, en Anjou, en Bordelais, ils feront des vins aussi bons qu’en Côtes de Provence. En revanche, dans le monde entier, si vous vendez en dehors de la France, l’Anjou ne parle pas d’un point de vue rosé, c’est comme si on disait qu’en Champagne, ils font du rosé.
Et pour revenir à la production du rosé Bertrand Fauvette Héritage, je suis allé rencontrer Sacha Lichine pour voir s’il pouvait me faire une cuvée. Il ne pouvait pas mais il m’a donné l’adresse d’une personne avec laquelle il travaille. Et c’est lui qui fait mon rosé, il fait l’embouteillage et il me les livre en palette chez moi à Lyon.
SP : Quels sont vos circuits de commercialisation ?
BF : Nous avons lancé notre site de vente en ligne mais aujourd’hui, c’est surtout moi qui fais la livraison pendant cette phase de démarrage. Aujourd’hui, les ventes se font essentiellement auprès de particuliers via mes réseaux et ceux de mes 2 associés. Je fais également affaire avec des professionnels, restaurants et commerçants locaux. Après, j’ai commencé un peu tard dans la saison, les pros me prennent 3-4 cartons alors que si j’avais commencé en mars, ils m’auraient pris une palette ! La cuvée n’était pas encore sortie mais ce n’est pas grave ; c’est encourageant pour l’année prochaine.
J’ai appris également que les vins se vendent beaucoup dans les salons pros. On expose et les restaurateurs viennent à nous, plutôt que nous venons à eux. C’est plus facile pour nous.
J’ai également un projet de cave aménagée en plein cœur de Lyon où je stockerais mes vins mais avec tables basses, fauteuils, éclairage… Je louerais ma cave à des clubs privés pour des dégustations et tout ça au milieu de mes bouteilles.
SP : Pourquoi avez-vous nommé votre marque Bertrand Fauvette Héritage ?
BF : Comme je l’ai dit, je n’ai ni château, ni domaine mais en revanche j’ai une histoire dont je suis très fier.
Mon nom Fauvette, vient de mon arrière-arrière-grand-mère Pauline qui était une esclave dans les cannes à sucre à l’Ile Maurice. En 1835 à l’abolition de l’esclavage, comme tous les esclaves, elle a dû trouver un nom et comme elle était petite, on lui a donné le nom de Fauvette (petit passereau). Sa fille Eugénie est devenue la couturière du planteur. Son fils est devenu mécanicien des trains à l’Ile Maurice et à la fin, il manageait toute l’équipe mécanique de l’Ile Maurice, soit 300 personnes – ce qui est assez marrant quand on sait que j’ai été manager des pilotes d’Easy Jet, soit à peu près le même métier que mon arrière-grand-père. Son fils, mon grand-père était médecin et a ouvert un hôpital à la Réunion.
Du côté de ma grand-mère, elle est issue de la vieille noblesse de Provence et avait le titre de Marquise de Bionneau d’Eyragues dans les Alpilles. En 1789, les Français ont commencé à démonter le château et mon aïeul a fui à Haïti – Saint Domingue à l’époque. Puis il y eu la révolte des noirs contre la noblesse, il a donc fui de nouveau et a été récupéré par les bateaux anglais (en guerre contre la France). Il a été mis en prison en Jamaïque et au bout de 6 mois, on leur a dit de partir. Vu qu’ils ne pouvaient pas rentrer chez eux, ils sont partis en Louisiane. Leurs enfants, dont mon arrière-arrière-arrière-grand-mère, ont décidé de revenir à Eyragues pour récupérer ce qu’il restait du château mais qui était complétement démoli. Ses enfants ont tous eu des carrières d’ambassadeur, diplomates ou militaires.
C’est grâce à eux que j’ai eu cette envie de faire des études, servir mon pays et eu cette fibre pour le monde de l’entreprise. C’est parce qu’ils ont été courageux que j’ai pu faire ce que j’ai fait. Certains étaient esclaves et descendants d’esclaves, d’autres auraient pu finir à la guillotine et d’autres ont servi la France. C’est mon héritage et je voulais laisser une trace de ces gens autrement qu’en racontant leurs vies à mes enfants.
Et c’est en faisant le vin, que j’ai eu cette belle opportunité de leur rendre hommage, en donnant à chaque cuvée un profil qui corresponde à mes aïeux.
C’est pour ça que la première cuvée de rosé a un « dodo », pour rappeler l’Île Maurice où Pauline, la première Fauvette, vivait. Le bouchon est également en fibre de canne à sucre. Les autres cuvées de rouge et de blanc auront également des symboles rappelant mes ancêtres. Toutes les cuvées auront une capsule en étain noir.
SP : Et du coup les prochains vins seront ?…
BF : Le Chardonnay et le Syrah, qui sortent en Septembre, et le Merlot en Décembre. J’ai très hâte pour le Syrah qui s’annonce extraordinaire.
Les Bees sont fières d’accompagner Bertrand Fauvette dans cette nouvelle et formidable aventure.