Les Bees accompagnent les jeunes entrepreneurs

Par Laurence Ferra, membre du Comité éditorial.

Cet été, nous vous avions présenté L’Ouvre-Boîte à travers le parcours de Louise Thonnerieux et de Selim Tamman. A l’heure où la promotion suivante est en cours d’expérimentation de projet, nous avons eu envie de recueillir le point de vue de nos Bees enseignantesFaissath Akadiri, collaboratrice comptable, et Bérénice Catry, expert-comptable associée, qui accompagnent ces jeunes entrepreneurs.

 

Laurence Ferra : Faissath / Bérénice, depuis quand participez-vous au dispositif de L’Ouvre-Boîte ?

Faissath Akadiri : J’ai commencé en 2017 par un dépannage pour la partie accompagnement du projet et ce n’est que depuis l’an dernier que j’interviens en formation.

Bérénice Catry : De mon côté, j’assure la partie formation depuis le début de l’aventure, c’est-à-dire depuis 6 ans.

LF : Vous faites la distinction entre la formation et l’accompagnement ? Comment le dispositif est-il conçu ?

F.A. / B.C. : Il y a deux phases dans le projet. On commence par la formation dans les locaux de L’Ouvre-Boîte à Villeurbanne. Le dispositif comprend deux jours de théorie en classe complète, d’une demi-journée d’atelier et se termine par un examen oral. Ensuite, nous accompagnons les jeunes quand ils commencent à tester le projet.  C’est une période qui dure trois mois. A ce moment-là, il y a des rendez-vous de suivi qui se font au cabinet. Après quelques jours ou semaines d’activité, on fait le point avec eux sur le projet.

LF : Et que faites-vous concrètement à L’Ouvre-Boîte ?

F.A. : J’interviens plus sur la partie Business plan. Pour travailler, nous avons mis en place un outil pédagogique – un tableau – qui regroupe les généralités comptables. Mon intervention consiste à expliquer son fonctionnement, montrer comment présenter un prévisionnel, un compte de résultat, un plan de financement, un plan de trésorerie. Ensuite on étudie le projet de chaque jeune de manière personnelle. Cela permet de donner du sens à tous ces chiffres et de se projeter. L’objectif de la première journée est vraiment de voir si le business sera rentable. On ne rentre pas dans les aspects techniques. La question est de savoir si le jeune pourra atteindre les objectifs de son projet, de savoir si son rêve est possible.

En général, ils sont hyper contents car ils arrivent dans un cours intitulé « Gestion comptable » avec beaucoup d’appréhension et la peur d’avoir un cours lourd et très complexe mais à la fin de la journée tout est concret, ils savent où ils vont et arrivent à se projeter. Le but n’est pas de les faire adhérer aux techniques comptables mais de leur donner des éléments pratiques comme faire la différence entre un chiffre d’affaires et un revenu, savoir ce qu’est une marge, ce que sont des charges, etc. C’est du « basic » adapté au public que l’on a. Au cours de la 2ème journée, on parle des charges fiscales, des cotisations sociales. On rentre dans une partie un peu plus technique tout en restant le plus simple possible. On parle de seuil de rentabilité, d’indicateurs de gestion, etc. … On tire des analyses de ce qu’ils ont vu en amont.

Ce ne sont pas encore des entrepreneurs rodés, il faut dédiaboliser la comptabilité et leur faire comprendre que ce sont eux qui auront les clefs en main pour la réussite financière de leur entreprise. Pour cela, on utilise des termes accessibles. Certains ont déjà bien avancé sur leur projet lorsqu’ils arrivent dans notre cours, d’autres ont encore du chemin à faire. L’enjeu, comme ils sont assez nombreux, est de réussir à faire quelque chose de personnalisé malgré la diversité des profils. Depuis 2017, nous avons changé notre pédagogie et nous proposons désormais quelque chose de beaucoup plus simple pour s’adapter au projet de chacun.

Une fois la partie formation terminée, nous passons ensuite à l’accompagnement individualisé. Nous faisons le point avec eux sur leurs chiffres et leur projet. D’autres Bees nous prêtent main forte : Coralie, Solène. Chacun peut accompagner et intervenir en fonction de ses compétences spécifiques. Au cours de cette partie également tout est individualisé car les projets n’avancent pas tous à la même vitesse.

Les premiers rendez-vous servent à faire un peu plus connaissance, on compare le prévisionnel et le réel après quelques temps d’activité et on peut aussi faire des projections. Cet accompagnement individuel est très important. Il leur permet de ne pas se décourager. Ils ont le sentiment qu’on est là pour les aider, pour les guider par rapport à la compta et aux indicateurs qui ont été mis en place au cours de la formation. C’est vraiment à leur demande, on ne les oblige en rien. Certains deviennent rapidement autonomes et dans ce cas-là on prend des nouvelles de temps en temps pour savoir comment le projet avance. Le but est qu’ils se sentent en confiance. On est là pour conseiller et orienter. Ils savent où frapper quand ils ont besoin de quelque chose. L’approche est différente pour ceux qui sont complètement novices. On les accompagne de plus près.

L.F. : Finalement c’est le même accompagnement que celui que l’on propose chez Fifty Bees, avec le côté pédagogique en plus…  Et quel est le profil des jeunes de l’Ouvre-Boîte ?

F.A. / B.C. : Il faut qu’ils aient moins de 30 ans et un niveau inférieur à un bac + 2. Les profils sont variés mais ce sont souvent des personnes qui sont éloignées de l’emploi et qui ont pu avoir un parcours scolaire atypique : des jeunes qui ont eu un décrochage qu’il soit familial, personnel ou scolaire. On trouve aussi des mères de famille qui ont eu des enfants et qui veulent se mettre à leur compte. C’est un peu « l’entreprenariat de la 2e chance ».

Finalement, l’objectif est à la fois de créer sa société et de se réinsérer. Il arrive que les jeunes n’aillent pas jusqu’au bout de leur projet et ce n’est jamais un échec. Le but est vraiment qu’ils puissent revenir dans la vie active que ce soit par l’entrepreneuriat ou par une activité salariée.

L.F. : Comment faire pour apprendre à des jeunes la compta appliquée à leur activité ?

F.A. / B.C. : Des choses ont été mises en place au fur et à mesure des années. C’était complexe au début, il y avait beaucoup de théorie et de notions comptables. Ils étaient là, à l’écoute mais ils n’étaient pas super captivés alors que maintenant, avec l’outil que l’on a créé et affiné avec le temps, on présente les rubriques, à quoi elles servent et chacun s’approprie ensuite l’outil. On fait en sorte que le jeune puisse répondre aux problématiques de son projet et non à des problématiques générales. On fait simple. C’est un tableau prévisionnel un peu modifié pour qu’il n’y ait pas de notions fiscales ou sociales. Concrètement, il permet de répondre à la question : « Est-ce qu’il me reste de l’argent quand j’ai vendu et quand j’ai payé mes charges ? ». Ce n’est qu’ensuite que l’on aborde les autres sujets.

L.F. : Et après ces journées, quelle est l’attitude des jeunes ? Est-ce que vous voyez parfois des remises en question par rapport à leurs projets ? Des ajustements ?

F.A. / B.C. : Oui complètement, il y a beaucoup de remue-méninges dans les prévisions et ce, d’autant plus que d’autres professionnels interviennent dans d’autres domaines. Les conseils que nous donnons font souvent écho à ce qu’ils ont déjà entendu ou entendront et ils finissent par revoir leur copie.  Ils prennent en compte ce que l’on dit et on voit les projets évoluer. On fait aussi des passerelles avec les autres cours. C’est comme un « carrefour de la formation ». On traite à la fois du marketing, des prix, du seuil de rentabilité, du statut juridique pour ceux qui sont à plusieurs… En fait, on les aide un peu sur tout et quand on ne peut pas répondre, on envoie un mail à un comptable, à un gestionnaire de paie ou au service juridique pour trouver l’information. L’avantage c’est qu’avec notre accompagnement global, on a une vraie diversité de services chez Fifty Bees. C’est un plus pour les jeunes.

Ils sont aussi rassurés d’avoir une vraie personne en face d’eux, quelqu’un à qui s’adresser quand ils sont perdus ou quand beaucoup de services et démarches sont uniquement en ligne. Cela permet de dédiaboliser la création d’entreprise. Ils savent qu’ils ont quelqu’un à qui s’adresser s’ils sont perdus.

L.F. : Combien de temps consacrez-vous à l’accompagnement finalement ?

F.A. / B.C. : La partie formation est fixe et limitée à trois jours que nous nous répartissons selon de nos emplois du temps. En revanche, la partie accompagnement peut varier en fonction des jeunes et des projets et prend du temps. Normalement, chaque jeune bénéficie d’une heure d’accompagnement par mois mais après on s’adapte. On ne veut pas non plus recréer un cadre trop scolaire et on fait vraiment à la demande sans mettre la pression. Il faut s’adapter au public. On essaie de « les amener à » en douceur et de les rendre autonomes. On leur apprend à surmonter leurs peurs et à surmonter les blocages. On essaie de s’adapter à eux, d’avancer ensemble et ça fonctionne.

L.F. : Vous faites cette démarche dans le cadre de votre travail mais en plus de votre travail et sur la base du volontariat. Qu’est-ce qui vous motive ? Qu’est-ce qui vous intéresse dans cette aventure et que vous apporte cette expérience ?

B.C. : Ça donne du sens, on a la sensation d’être utile. Une journée passée à l’Ouvre-Boite, ça remet les choses à leur place. On se rend compte qu’il y a des jeunes qui ont besoin d’aide et on apporte notre pierre à l’édifice.

F.A. : J’ai plaisir à me sentir utile et aussi à renouer avec mon expérience en tant que porteur de projet.  A L’Ouvre-Boîte, on voyage, on rencontre des gens, on découvre des rêves et on fait tout pour qu’ils deviennent réalité. Même si je n’ai pas créé mon entreprise, je peux aider des personnes qui ont envie de le faire. Chez Fifty Bees, on n’accompagne pas que des entrepreneurs solides, on fait quelque chose de bien et on est fiers d’accompagner tous les entrepreneurs. A L’Ouvre-Boîte, c’est un peu pareil, on va déceler le potentiel là où les autres ne le voient pas. C’est ça qui me motive. Le fait de croire en l’humain et c’est ce qui fait que j’aime mon métier.

B.C. : Il y a aussi l’aspect pédagogique. J’ai toujours aimé donner des cours, ce que je fais par ailleurs dans d’autres structures. Avec les élèves de L’Ouvre-Boîte, il y a un vrai retour sur ce que l’on fait. Voir des jeunes arriver à reculons et finalement repartir heureux d’avoir compris et les voir prendre conscience de l’intérêt de la gestion pour leur entreprise, c’est une énorme source de satisfaction. Les remerciements des jeunes nous portent aussi. On leur apporte et ils nous apportent.

L.F. : Vous avez une véritable posture d’enseignantes !

F.A. / B.C. : Oui, on a toutes les deux cette envie de transmettre le savoir. Quand on voit que la personne en face de nous comprend, devient autonome et est satisfaite, cela donne un élan, l’envie de faire mieux et d’aller plus loin. En allant en cours parfois, j’ai la boule au ventre en me demandant comment je vais gérer les différentes situations qui vont se présenter mais je repars toujours avec le sourire. Ce sont toujours de vraies belles journées. J’ai eu deux parents profs et j’aime beaucoup la transmission. On n’en a pas toujours conscience mais cela prend aussi une place importante dans notre quotidien au cabinet. La pédagogie est quelque chose de très important avec nos clients. Nous sommes là pour les accompagner dans le pilotage de leur entreprise, pour leur donner des bases qui leur permettront d’avancer.

L.F. : Une anecdote ? Un souvenir en particulier que vous aimeriez partager ?

F.A. : Je n’ai pas un souvenir en particulier mais L’Ouvre-Boîte c’est surtout une ambiance : super accueil, de bons repas, des jeunes nous font tester ce qu’ils font. Depuis le début j’ai assisté à des séances de dégustation de muffins, testé des déodorants, reçu des invitations pour des événements. C’est comme dans une entreprise, il se passe toujours quelque chose. On nous demande notre avis, des conseils, c’est vivant et ont fait parfois partie des premiers clients. La première année, je crois que j’ai testé tous les projets.

L.F. : Avez-vous gardé des liens avec certains ?

F.A. / B.C. : Oui, il nous arrive d’envoyer des mails pour prendre des nouvelles, nous avons également des nouvelles par les référentes – Samia et Isabelle – et les jeunes viennent aussi nous solliciter d’eux-mêmes.

L.F. : Aujourd’hui, est-ce que vous auriez besoin de recruter parmi les Bees ?

F.A. / B.C. : Oui, on trouve ça super d’être à plusieurs. On est complètement ouvertes à ce que d’autres nous rejoignent. Cela permet de travailler ensemble. C’est génial ! Je pense que tout le monde pourrait en fonction de ses compétences. On va d’ailleurs travailler à la mise en place de process en interne pour avoir une méthodologie au niveau de notre pédagogie.

Toute personne qui sait lire un compte de résultat peut intervenir. Il faut juste avoir la fibre de l’entrepreneur, croire en eux, en leur projet, en leur rêve. C’est ça notre métier, c’est l’accompagnement de l’entrepreneur. C’est ce que l’on fait chez Fifty Bees. On accompagne les porteurs de projets quelle que soit leur taille et leur niveau. C’est enrichissant et passionnant.