23 Juin DEUX JEUNES TALENTS OUVRENT LEUR BOÎTE…
Par Claire Le Meur, DG de Blue Bees
C’est la boutique du Musée d’Art Contemporain de Lyon qui accueille aujourd’hui les Bees, à la rencontre de deux jeunes talents, Louise Thonnerieux et Selim Tammam, issus de l’Ouvre-Boîte…
L’Ouvre-Boîte est un dispositif d’insertion par l’entrepreneuriat créé par les Apprentis d’Auteuil. Il s’adresse aux 18/30 ans, peu ou pas diplômés, qui ont un projet d’activité dans les secteurs de la restauration, du commerce et du second œuvre.
Sa mission ? Créer les conditions pour permettre aux jeunes de dépasser les freins qui parasitent leur projet de création dans le cadre d’un programme de 24 mois avec l’expérimentation du projet en conditions réelles, des contenus pédagogiques, un accompagnement par des professionnels bénévoles et un suivi individualisé afin d’accéder aux meilleures chances de réussite…
Dans ce cadre, les Bees accompagnent les jeunes dans la réalisation du business plan, suivent pendant deux ans les indicateurs clés, les aident à s’installer. Participent à cette action de mécénat uniquement les Bees volontaires : chargés de clientèle, assistants comptables, managers.
Aujourd’hui, c’est Louise qui tient la boutique du Musée d’Art contemporain. Elle a 19 ans…
Claire Le Meur : Comment t’es-tu retrouvée dans ce lieu iconique pour présenter tes créations ?
Louise Thonnerieux : Le Musée d’Art contemporain a ouvert les portes de sa boutique à L’Ouvre-Boîte car le projet les a séduits. Auparavant, nous étions dans les pentes de la Croix Rousse mais la boutique était en fin de bail…
CLM : L’idée est donc de présenter les projets de l’Ouvre-Boîte qui ont trait à la mode, dans le cadre de la boutique du Musée d’Art Contemporain.
LT : Oui, c’est ça. Il y a également des projets plus en rapport avec la culture : une des filles présentes ici organise des visites ludiques de Lyon, par exemple. Le public est un peu surpris au début car cela ne ressemble pas à une boutique de musée traditionnelle mais ils sont finalement contents. Cela nous permet d’être dans un lieu très beau et d’avoir beaucoup de passage. En plus, nous avons eu la chance extraordinaire de faire notre ouverture pour la Nuit des Musées. Il y a eu plus de 3 000 visiteurs, c’était incroyable ! Le personnel est très sympa avec nous, aussi.
CLM : Et alors, tu as vendu des pièces ?
LT : Oui !
CLM : Tu es contente ?
LT : Oui, super contente !
CLM : Comment es-tu arrivée à l’Ouvre-Boîte ?
LT : Je ne fais pas partie des parcours « classiques » de l’Ouvre-Boîte. Je suis l’une des plus jeunes de ma promo – et même des promos en général. J’ai obtenu un Bac général et j’ai commencé un CAP métiers de la mode, pour faire de la couture. Mais je n’étais pas prête à retourner à l’école – j’étais un peu en échec scolaire depuis le lycée. J’ai donc préféré aller travailler et cela a fonctionné un temps. Puis je me suis rapprochée de la mission locale qui m’a beaucoup aidée dans mon parcours pro pour réussir à savoir ce que je voulais vraiment faire. Depuis toute petite, je rêve de créer des vêtements…
CLM : Tu avais déjà essayé de faire des vêtements ?
LT : Oui, oui ! Je couds depuis que je suis toute petite… C’est difficile lorsqu’on débute mais j’adorais ça et j’aime toujours autant. En grandissant, j’ai développé des convictions politiques et, du coup, je me suis rapprochée de la « seconde main » et pas uniquement de la couture. La mission locale m’a conseillé l’Ouvre Boîte et j’ai suivi ce conseil !
CLM : Quel est ton objectif, à présent ?
LT : C’est d’ouvrir une boutique et un site en ligne, en montant ma marque, et de réussir à gérer l’ensemble en tant qu’autoentrepreneur.
CLM : Où en es-tu dans cet ambitieux projet ?
LT : Je suis en expérimentation – mes articles sont exposés sur le portant là-bas ! Je suis immatriculée et je m’apprête à faire mes premières déclarations aux impôts. C’est lancé ! Il me reste à ouvrir mon site internet… J’ai fini les mois de formation intensive.
CLM : Quelle aide t’a apporté Fifty Bees dans ce parcours ?
LT : Fifty Bees m’a accompagné dans la construction de mon plan de financement. Je n’y connaissais rien… Les maths, c’est mon cauchemar ! Mais j’ai adoré ce que j’ai appris car cela m’a permis de voir à quel point mon projet était faisable ou pas.
CLM : Il y a des choses que tu avais imaginées et qui, finalement, n’étaient pas jouables ?
LT : Oui, par exemple, j’avais envisagé exercer mon activité avec une voiture- caravane de friperie ambulante. En fait, il y avait plein de coûts auxquels je n’avais pas pensé comme l’essence, les réparations, l’assurance. Cela aurait été le plus gros poste de couts de ma friperie. Cet accompagnement m’a permis de reposer les pieds sur terre, tout en me rendant compte, d’un autre côté, grâce au seuil de rentabilité par exemple, que d’autres trucs étaient possibles.
CLM : Quoi, par exemple ?
LT : Le stock. Je pensais qu’un stock coûtait très cher alors qu’en définitive, ce n’est pas ce qui va me coûter le plus d’argent. Je ne souhaite pas vendre mes produits à un prix cher. En respectant mes valeurs et mes prix, j’étais encore dans mon budget et je conservais de la marge.
CLM : Quelles sont tes valeurs, justement ?
LT : A Lyon, il y a beaucoup de friperies qui ont de belles sélections – dans les pentes de la Croix Rousse, par exemple, mais je les trouve très chères. On n’a pas tous forcément le temps d’aller à Emmaüs, où on ne trouvera pas forcément les vêtements qui nous plaisent. Je souhaiterais une sélection plus simple de vêtements que l’on peut trouver facilement, sans avoir à se tourner vers la « fast fashion » qui est polluante. S’habiller et consommer mieux me paraît important mais les produits vestimentaires bios sont deux fois plus chers que les autres. J’aimerais pouvoir proposer des vêtements à prix abordables accessibles à tous.
CLM : Tu parles de friperie. Il ne s’agirait donc pas de vêtements que tu réaliserais toi ?
LT : Non, pas pour le moment. Mais je fais de la retouche (boutons, ourlets défaits, reprises de couture, etc.). A terme, j’aimerais pouvoir avoir une petite « capsule » de vêtements mais cela prend beaucoup de temps à constituer. Cela me permet quand même de me projeter et d’imaginer les possibilités d’évolution de mon projet.
CLM : Comment s’appelle ta friperie au fait ?
LT : Malou Friperie. Je m’appelle Louise… C’est pour Ma Loulou parce que mon papa m’appelait tout le temps comme ça et c’est resté. C’est devenu mon identité, aussi sur le net !
Selim nous a rejoints – c’est à lui de tenir la boutique du Musée à présent, et présente à son tour son parcours à l’Ouvre-Boîte :
Selim Tammam : J’ai 26 ans et je viens de monter ma société avec un associé, Medhy Aboudou, qui est à Paris et n’est donc pas présent aujourd’hui.
CLM : Comment es-tu arrivé à l’Ouvre-Boîte ?
ST : Je suis arrivé grâce à un mail de Pôle Emploi ! Je ne regarde d’habitude jamais les mails de publicité, sauf que ce jour-là, par exception, j’ai cliqué dessus et vu l’opportunité de ce qu’ils proposaient aux jeunes entrepreneurs.
CLM : Quel était ton parcours avant l’Ouvre-Boîte ?
ST : J’ai fait un BTS communication puis j’ai cumulé pas mal d’expériences dans des travaux différents. J’ai eu du mal à trouver ma place dans le salariat… Je savais depuis longtemps que j’allais entreprendre mais je ne savais pas dans quoi de façon définie. J’avais plusieurs projets et concepts en tête. Petite anecdote : lors de vacances avec des amis, j’ai rencontré mon associé et nous nous sommes très vite entendus. Il avait la même volonté et les mêmes problématiques que moi et nous avons donc démarré le projet ensemble !
CLM : Et quel est ce projet, alors ?
ST : Nous avons développé une marque de vêtements. Nous vendons du textile mais, au-delà de vendre du textile, nous partageons une vision. Nous souhaitons créer un vrai mouvement, faire passer un message et des valeurs, fédérer au travers de notre marque. Le textile est juste un moyen d’expression.
CLM : C’est quoi, ce message ?
ST : Notre marque s’appelle « La Cité Tendre ». Cela exprime une dualité : de base, la cité est un ensemble où les gens vivent ensemble, tout simplement. Il n’y a pas de connotation péjorative. Mais la cité représente aussi les quartiers, les mouvements populaires. Nous souhaitions ramener un peu de lumière sur ces endroits-là et montrer qu’il n’y a pas que des choses mauvaises. Il y a aussi de l’amour, de l’entraide même dans les endroits les plus difficiles.
CLM : Vous vendez du textile, ce ne sont pas des choses que vous fabriquez ?
ST : Nous faisons fabriquer pour l’instant. A terme, on aimerait concevoir des pièces nous-mêmes. Pour le moment, nous faisons concevoir des pièces et nous faisons imprimer sur du textile vierge. C’est la technique la plus classique pour les jeunes entreprises qui démarrent dans le vêtement. Nous ne nous arrêtons pas là pour autant. Nous avons par exemple conçu un foulard que nous avons fait fabriquer à Lyon. Le maillot que vous voyez ici est une pièce que nous avons fabriquée avec une jeune entreprise qui fait du textile dans le sud de la France, à Montpellier, spécialisée dans les maillots.
CLM : Où sont distribués vos produits pour le moment ?
ST : Nous n’avons pas encore de site internet -il est en cours de construction et arrive très prochainement… Nous avons la chance d’être présents ici, au Musée d’Art Contemporain à Lyon et c’est une très belle opportunité. Cela correspond bien aussi à notre image puisque nous avons un univers assez artistique. Nous avons eu d’autres opportunités : nous étions présents à la boutique Kulture, pour notre première collection, qui est un magasin à Lyon, spécialisé en sneakers et street wear.
CLM : Que t’a apporté l’équipe de Fifty Bees dans ce développement, en matière de conseil ?
ST : Les chiffres, à un moment, il faut en parler. On peut rêver mais c’est important de se confronter à la réalité. Les chiffres permettent de revenir sur terre et de bien comprendre quels sont nos objectifs, pour pouvoir les atteindre, comprendre quelle marge on doit prendre sur nos produits pour pouvoir en vivre et à partir de quel moment on peut en vivre.
CLM : Pour le moment, vous en vivez ou pas encore ?
ST : Non, pas encore… Nous avons créé la société il y a six mois seulement. Nous générons du chiffre d’affaires mais ce n’est pas suffisant pour le moment. Et nous préférons réinjecter ce que nous gagnons dans l’entreprise pour l’instant. Nous sommes focalisés sur le développement, l’amélioration de la qualité. La qualité est très importante pour nous. Nos clients sont très contents de ce qu’ils ont entre les mains parce que nous essayons de faire du mieux qu’on peut, avec nos moyens. Ça, les gens le ressentent lorsqu’ils consomment. C’est notre vrai combat. Ce n’est pas la meilleure stratégie pour faire des grosses marges et engendrer beaucoup de sous mais nous préférons construire une communauté plutôt que de faire de l’argent tout de suite. On se dit que l’argent viendra par la suite parce que le projet est bien construit.
CLM : Dans l’accompagnement proposé par Fifty Bees, y a-t-il des choses auxquelles tu n’avais pas pensé ou qui t’ont surpris – de façon positive ou négative ?
ST : Vu que je baigne dans l’entrepreneuriat depuis très jeune, notamment grâce à mon entourage et mes parents, j’avais déjà une bonne notion de la réalité du business. Maintenant, il est sûr qu’on a toujours des choses à apprendre et heureusement que nous avons eu l’Ouvre-Boîte parce que cela nous a permis de recevoir certains conseils et de prendre le temps, aussi. C’est vraiment important. Cela nous a permis d’être patient. Nous voulions allez très vite !
CLM : C’est difficile d’être patient lorsqu’on démarre un projet…
ST : Exactement ! Et il ne faut pas se précipiter dans le business. Si on lance une activité, c’est pour pouvoir en vivre sur le long terme, ce n’est pas juste pour faire un coup rapidement. Il faut réfléchir à toutes les éventualités, à bien axer sa proposition, son positionnement, pour faire les choses bien. Je remercie l’Ouvre-Boîte pour ça.
CLM : Où peut-on trouver votre marque ?
ST : Pour l’instant, les dernières pièces disponibles sont au Musée d’Art Contemporain. Après, on peut toujours nous retrouver sur Instagram @lacitetendre et ensuite sur le site internet qui sera en ligne dans le courant de l’été.
CLM : Pas de projet de boutique fixe pour le moment ?
ST : Non, ce n’est pas notre objectif pour l’instant.
CLM : Et lorsque tu n’es pas à la boutique du musée, que fais-tu ?
ST : Je travaille au développement de ma société. J’ai repris une activité de service restauration en parallèle. Cette activité offre des horaires décalés et je peux ainsi continuer de développer mon projet. Ce n’est pas facile car les journées sont longues mais je suis content…
Les Bees sont fières d’accompagner ces jeunes talents, que vous pouvez retrouver, en attendant leurs sites web, sur @malou_friperie et @lacitetendre. Nous leur adressons tous nos vœux de réussite et ne manquerons pas de vous donner de leur nouvelles 😉.